Ces photographies ont été prises entre 1999 et 2002, lors de fêtes techno sauvages dans la Loire, le Rhône, l’Ardèche, la Drôme, l’Isère et l’Auvergne. Elles sont davantage des images que des photographies d’ailleurs, n’ayant aucune prétention, ni journalistique, ni artistique. Elles sont simplement le témoin d’une époque, d’une jeunesse, d’une épopée. Les plans larges sont préférés aux portraits ou aux heureux hasards que cherchent à capturer les photographes. Et puis ce qui se passait dans ces zones d’autonomie temporaire (cf. Hakim Bey) devait rester dans ces lieux.
Aux paysages de fêtes succèdent des sound-systems, installés dans l’inconfort jouissif de lieux où ils n’étaient pas censés faire résonner bruyamment leurs speakers. Sont notamment visibles les sound systems stéphanois Izif et Alternative, deux collectifs émanant de la mouvance punk, incarnant pleinement dans mon esprit, le continuum hardcore (j’emprunte ce terme formalisé par le critique britannique Simon Reynolds) qu’à constitué le mouvement techno hardcore et underground, lancé depuis l’Angleterre par les mythologiques Spiral Tribe. Il essaime au cours de la décennie 1990 dans toute l’Europe, et particulièrement en France, où une partie de cette tribu s’installe après s’être fait déloger de leur île par un gouvernement conservateur goutant assez peu l’anarchie festive prêchée par ces néo-punks.
J’ai pointé mes oreilles candides dans ce mouvement sur le tard, à la fin des années 1990, quand l’innocence de ces fêtes étaient déjà passées. Je dépasserai les zones d’ombre et simulacres psychotropes affaiblissant la lumière claire obscure de cette mouvance, pour m’imprégner de sa poésie post-industrielle, et, très vite, urgemment même, m’y investir corps et âme, chaque week-end et faire ainsi mes premiers pas en tant que dj et organisateur de soirées. La dernière partie du portfolio se concentre sur Unit, le collectif que j’avais monté avec mon frère et un ami, Nico, embarquant ensuite une troupe de fidèles ami•e•s et complices.
Je n’ai rien gardé, musicalement, de cette époque, si ce n’est un disque double et quelques cassettes. J’alimente néanmoins, comme tout jeune vieux aime à le faire de ses aventures initiatiques de jeunesse, sa mémoire, pour sentir encore le goût précieux de ces virées sauvages.
Je ne sais pas aujourd’hui comment et où le continuum hardcore continue son chemin. Je suis bien incapable de savoir quelle est la musique qui l’anime. Je sais, par contre, qu’il représente un fil tenu entre les générations, passant chacune le témoin de ce qu’offre la fragilité de la jeunesse en colère : l’irrévérence, la prise de risque, la quête de l’imprévu, le désir d’être ensemble, la promesse de ne pas devenir ses parents.