Le brexit consommé, 2020 peut maintenant mourir tranquille, le sale boulot est fait. Tandis que le sacro-saint vaccin pointe son nez, il est d’une autre vaccination, essentielle et universelle, qui reste encore orpheline de ses composants magiques. Les pistes de danse restent vides, le sound system est muet mais Steve McQueen s’est décidé à rallumer la flamme.
Lovers Rock © Steve McQueen
Voilà donc que débarque en Angleterre Small Axe, la série du réalisateur anglais, cinéaste patient qui s’installe pas à pas dans le cercle des gars sûrs (un clin d’œil à celui qui se reconnaitra). Je ne vais pas jouer au trouble fête et vous gâcher la découverte prochaine de ces films. Je ne parlerai pas de Mangrove, le premier volet, impressionnant de maitrise. J’enjambe donc la cuisine caribéenne, Notting Hill, la police raciste, le procès où les victimes noires sont au ban des accusés dans une salle d’audience tellement blanche. J’en viens de suite à la piste de danse et, comme l’avait si bien dit Paul Gilroy, sa politique du baiser.
On a jamais filmé une piste de danse comme ça. Un angle mort du cinéma dans lequel s’engouffre McQueen pour révéler avec justesse ce qui se joue au cœur d’une blues party, une house party organisée dans et pour la communauté noire à Londres au début des années 80. Pour éviter de réécrire (en moins bien) ce qui l’a déjà été, vous trouverez ICI et ICI, deux articles respectivement parus dans le New York Times et Vulture, qui éclairent très bien Lovers Rock. Une œuvre lumineuse et clairvoyante, nous invitant nous, moi, à suivre les personnages d’une soirée consacrant le reggae et sa variante britannique le lovers rock.
Et si les murs de la non-mixité protègent momentanément du racisme, toutes les formes d’oppression et de domination ne restent pas à la porte. Les femmes en font largement les frais, ici comme au-dehors. Par moments, qui ne peuvent rester qu’instantanés, la musique et la danse prennent pourtant le dessus. Le sanctuaire s’érige et les femmes peuvent mener la danse où se laisser conduire, le temps d’une chanson romantique, du reggae-dub qui se drape de soul music. Le féminin qui rivalise avec le masculin, sans qu’aucun ne cherche vraiment la victoire. De victoire, il ne s’agit pas. Juste d’un baiser.
© Switch Groove
Des jours durant, après le visionnage du film, je suis resté suspendu à cette fête, comme cela arrive dans la vraie vie. Elle me nourrissait. Elle était devenu un vaccin contre l’ennui momentané d’un dj, d’un danseur, d’un music addict, d’un ami, d’un homme, d’un amant privé de piste. Le film a agi comme un delay au feedback bien ouvert. Il faisait résonner aussi l’influence très forte qu’ont eu l’Angleterre et ses scènes musicales dans mon parcours. Pour continuer à danser, pour que le delay n’en finisse pas de remplir le cosmos, j’ai donc sélectionné trente disques pour tisser une histoire tout de dub et de soul, une histoire anglaise, jamaïcaine, créole. Une histoire faite d’amour, de lignes de basses, de reverb et de voix divinement placées.
Une vaccination love & dub pour embrasser l’année qui vient.
Bonne écoute!
Tracklist
Lonnie Liston Smith – Renaissance
Rae & Christian – Hold Us Down feat. The Congos
Lotek Hi-Fi – Different Style
The Roots Radics – Sheng I Shek
Yabby You – Beware
Jacob Miller – Baby I Love You So
Johnny Osbourne – Girl Of My Complexion
Bim Sherman – Lightning and Thunder
The Gladiators – Dreadlocks The Time Is Now
The Gladiators – Bellyfull
Desmond Dekker – Israelites
Lord Creator – Short Shorts
Anthony Jospeh & The Spasm Band – Soca Boat
William DeVaughn – Be Thankful For What You’ve Got
Sonya Spence – Let Love Flow On
MMBlack feat. Roy Ayers – 2000Black
Loose Ends – So Much Love
Leonard Chin feat. The Players – What More Can I Say
Sabrina Rich – Smooth Operator
Errol Dunkley – Little Green Apples
Ronnie Davis – Have You Seen The Sunlight ?
Horace Andy – Skylarking
Yabby You – Peace
Errol Dunkley – Give Me Reggae Music
Jah Shaka – Nyha Dub
Jah Rej – Thinking Dub
Zion Train – Hail The Selector feat. Dubdadda
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Mala – Change
Wally Badarou – Hi-Life